Je viens de recevoir la réponse du Secrétariat Général du Ministère de l’intérieur qui décline ma demande de révision. J’espère que le recours contentieux déposé par notre groupe Val de Marne Autrement aura plus de chance de prospérer auprès du Conseil d’Etat.
REPONSE PREFET_RECOURS GRACIEUX_21052014
Le texte de mon recours:
Monsieur le Premier Ministre,
Le Journal Officiel de la République française a publié les 98 décrets portant révision des cartes cantonales consécutive à la modification du mode de scrutin des élus départementaux prévue par la loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
En décidant l’élection dans chaque canton d’un homme et d’une femme, le législateur a souhaité diminuer pratiquement de moitié le nombre des cantons de façon à ne pas augmenter sensiblement le nombre des élus dans les assemblées départementales.
La loi ayant confié à des décrets en Conseil d’Etat le soin de fixer, pour chaque département, les modifications des limites territoriales des cantons, ainsi que les créations et suppressions de ces circonscriptions électorales, vous venez de prendre ces décrets, sur proposition du ministre de l’Intérieur, après avoir recueilli l’avis des conseils généraux et entendu le Conseil d’Etat, qui, s’agissant de décrets ″en″ Conseil d’Etat, est, ainsi que le considèrent les juristes, devenu ″co-auteur″ de ces textes, alors qu’il en sera demain le juge…
Comme je pouvais le craindre au vu des projets de décrets qui avaient été soumis aux conseils généraux, les nouvelles cartes cantonales, bâties à la hâte, à Paris, sans aucune concertation avec les élus de terrain, en particulier les maires et les présidents d’intercommunalités, ne répondent à aucune logique, autre que démographique et politique. En particulier, ni les intercommunalités et les anciens cantons, contrairement aux déclarations officielles, ni les bassins de vie, ni les difficultés des liaisons au sein d’un même canton, compte tenu notamment du relief, ni le respect de l’intégrité des communes lorsque celles-ci ont une population inférieure à celle de la moyenne des cantons du département considéré, n’ont été réellement prises en compte pour ces redécoupages. Ceux-ci apparaissent, dès lors, aux yeux de tous, comme une manipulation grossière destinée à sous-représenter les territoires ruraux, à compliquer la réélection des conseillers généraux de l’opposition nationale et à favoriser celle des amis du gouvernement, soucieux de s’éviter un revers électoral au printemps 2015.
En particulier, concernant le canton de Sucy en Brie – Val de Marne-, comportant 26000 habitants- dont je suis le Conseiller Général, le décret précité le fusionne avec les communes d’Ormesson et Bonneuil, ainsi qu’une petite partie au Sud de la ville de Saint-Maur comportant 10 000 habitants pour le porter globalement à 63661 habitants, accusant un écart de population de 19,87% au dessus de la moyenne des cantons du département.
Cet écart est accru si l’on considère les cantons crées favorables à la majorité, tel celui de Vitry sur Seine (42 660 habitants), soit moins 19.5% par rapport à la moyenne.
Ce découpage méconnait ainsi la règle selon laquelle les bases démographiques constituent l’essentiel des critères de délimitation, alors qu’il a abouti à aggraver ces écarts pour 23 des anciennes circonscriptions cantonales en Val de Marne. De même il aboutit à sur densifier la population des cantons défavorables à la majorité départementale et sous densifier ceux qui lui sont favorables.
Par ailleurs, Sucy étant la commune comportant la population la plus importante du nouveau canton, il eut été logique de lui conserver son appellation de Canton de Sucy, alors que le décret le nomme Canton de Saint-Maur 2. Il introduit ainsi une confusion d’identité pour les électeurs et une difficulté supplémentaire pour la centralisation des résultats de deux cantons différents sur la même mairie de Saint-Maur. De plus, le décret institue un bureau centralisateur à la Mairie de Saint-Maur, laquelle ne figure pas sur le territoire du Canton de Saint Maur 2. Il contribue ainsi à renforcer la confusion entre la notion de chef lieu de canton qui figure bien dans la loi comme collectivité territoriale de la République alors que la notion de bureau centralisateur n’a aucun fondement légal.
Enfin le découpage ainsi proposé ne tient aucun compte de l’existence de l’EPCI « Communauté d’Agglomération du Haut Val de Marne » dont les communes membres se trouvent éclatées sur quatre nouveaux cantons.
Le travail accompli est d’ailleurs tellement contestable que moins de 40% des départements ont approuvé la carte proposée, alors que l’arithmétique politique aurait dû garantir à la proposition gouvernementale un soutien confortable à hauteur de 60% des conseils généraux.
Aussi, le gouvernement s’honorerait en reconnaissant son erreur et en remettant l’ouvrage sur le métier. Il éviterait ainsi que la première campagne réalisée pour l’élection des conseillers départementaux ne se déroule dans un contexte d’incertitude juridique. En effet la date trop tardive de la parution de ces décrets va faire coïncider l’année pré-électorale avec l’examen des très nombreux recours, visant chacun des décrets, par le Conseil d’Etat.
L’idée de bon sens qui pourrait être retenue serait de reporter l’application du nouveau mode de scrutin aux élections qui suivraient celles de mars 2015, quitte à faire voter par le législateur la réduction de la durée du mandat des conseillers généraux élus en mars 2015, de façon à ne pas trop retarder l’élection des nouveaux conseillers départementaux au suffrage binominal de candidats de sexe différent.
Cette idée s’impose d’autant plus que le président de la République vient de promulguer la loi qui, en donnant naissance aux métropoles, oblige à modifier radicalement l’organisation territoriale dans les départements concernés. A fortiori le chef de l’Etat venant d’annoncer son intention de simplifier cette organisation et de faire des économies budgétaires, le temps d’une concertation sereine s’impose d’autant plus. Votre déclaration de politique générale devant l’Assemblée Nationale vient corroborer cette réforme puisque vous proposez la suppression des départements à l’horizon 2021.
Dans l’intervalle, le gouvernement, en s’appuyant sur les préfets, devrait organiser dans chaque département une véritable concertation, qui associerait aux côtés des actuels conseillers généraux, les maires et les nouveaux conseils municipaux élus en mars 2014, la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), les intercommunalités, afin de faire émerger dans chaque département une nouvelle carte des cantons aussi consensuelle que possible. Vous savez très bien, le travail de grande ampleur mené sur les intercommunalités l’a montré, qu’il ne s’agit pas d’un vœu pieux, mais d’une perspective tout à fait réaliste, car les élus locaux que nous sommes sont tout à fait disposés à faire prévaloir le bon sens conduisant à des regroupements fondés sur les logiques d’intérêt général.
Dans cette attente, j’ai l’honneur de vous demander en tant que Conseiller Général du Canton de Sucy en Brie, de procéder au retrait du décret n°2014-171 du 17 février 2014 portant révision de la carte cantonale pour le département du Val-de-Marne.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Jean-Daniel AMSLER
Conseiller Général du Val de Marne